Le PDC et l’incapacité de valeurs

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Deux femmes à la tête de deux comités diamétralement opposés, l’un pour le remboursement de l’avortement, l’autre contre, toutes deux PDC… ou le stigmate béant de l’incapacité de ce parti à se déterminer, une fois pour toutes, clairement sur les valeurs démocrates et chrétiennes.

Il y a quelques jours, Babette Sigg (PDC/ZH) annonçait en fanfare l'ouverture d'une officine directement contraire à l'initiative populaire « Financer l'avortement est une affaire privée », dont le comité est présidé par sa consoeur Elvira Bader (PDC/SO).

Si le président actuel, Christophe Darbellay, feint de relever l'incongruité de la chose - en partie son oeuvre, selon d'aucuns qui lui font un reproche de sa vision d'un consensualisme centriste consistant essentiellement à manger à tous les râteliers - l'état de fait n'en reste pas moins symptomatique de la lente déchéance philosophique de la démocratie chrétienne sur le seul terrain où elle est encore attendue de nos jours, les valeurs.

Or il ne semble y avoir que deux sortes d'hommes en ce monde, non pas ceux qui ont des valeurs et ceux qui n'en ont pas, mais ceux dont les valeurs sont fermes et les autres non. Il fut un temps où la notion de parti regroupait l'engagement de plusieurs autour d'une même idée. Aujourd'hui, cette notion n'est plus que l'ombre désabusée d'une ambition de partage possible des pouvoirs, des influences, pour la maigre satisfaction d'une réussite fugace. La démocratie, qui se voulait la plus haute expression de l'aspiration des peuples à la liberté, n'est plus qu'un système de contrôle comme un autre, une certaine prétention en plus, peut-être.

(R)évolution ?

La presse est aux aguets quant à un éventuel retour en force des valeurs au PDC, le 19 octobre dernier, la NZZ sonnait le tocsin de la renaissance conservatrice dans cette formation qui bat de l'aile droite depuis plus de trente ans. Dans les colonnes des Observateurs, Yannick Buttet, l'un des pionniers de cette renaissance au sein de la nouvelle génération, s'interroge très justement sur les idées qui feront l'avenir. Ces mêmes colonnes où Christophe Darbellay affirme sans ciller son attachement au « C » de PDC, dans le contexte de sa dernière initiative, qui tente de faire passer une définition restrictive de l'union conjugale (un homme, une femme) par le biais de l'égalité fiscale entre couples mariés ou non... et vice-versa. Initiative qui restera un modèle du genre de cette fâcheuse tendance à danser d'un pied sur l'autre pour contenter tout le monde et finir par ne convaincre personne.

Le PDC n'est plus guère un parti d'entente sur des valeurs, mais une sorte d'agglomérat de toutes les tendances non tranchées, trop à gauche pour être franchement libéral, trop à droite pour basculer dans le social non discerné, et encore cela dépend-il des cantons, de l'âge, des religions. Le PDC n'est pas seul en cause, la droite en général, à laquelle les valeurs franches semblent interdites, connaît de semblables dissensions, exception faite des formations protestantes, UDF et PEV (tendance conservatrice mais de centre-gauche), qui ne sont fortes, foi oblige, que sur cette seule adhésion aux valeurs. Leur équivalent catholique semble impossible aujourd'hui, la faute à la crise de la démocratie chrétienne depuis ces quarante dernières années dans la roue de la crise de l'Eglise. Une démocratie chrétienne qui a versé dans le champ de la Realpolitik pour ne plus jamais se relever, la preuve, l'on peut défendre une chose et son contraire, sur un sujet de référence essentiel, dans le même parti. Si d'aucuns sont encore assez téméraires pour célébrer le « débat démocratique », humainement c'est un échec.

Nouveau tabou

Alors que dans le monde entier, Amérique du Nord en tête, la question de l'avortement est devenue, sinon redevenue, un incontournable de la définition individuelle face aux clivages sociaux ou politiques, au même titre que la démocratie, l'esclavage, la peine de mort, l'apartheid, la guerre au Vietnam dans les années soixante, la Suisse paraît être devenue une forteresse de silence où le sujet est interdit.

Oser le questionnement, dans le cadre de ces nouvelles libertés, est totalement tabou. L'avortement est-il sans conséquence sur les femmes, la société, n'y a-t-il pas de solutions plus douces, plus humaines, la prévention est-elle efficace, comment prévenir la récidive ? Ce débat n'est pas possible en Suisse actuellement. Babette Sigg n'en fait d'ailleurs pas mystère, la « solution des délais » est un point final qui ne saurait être remis en question, jamais. Pour la présidente des Femmes PDC, leur soutien au "régime des délais" ne « signifie pas que les Femmes PDC sont favorables à l'avortement »; il n'y a décidément que le PDC pour inventer cela.

Conflit de générations

C'est précisément cette obstination forcenée, cette croyance aveugle qui voit la « solution des délais » durer indéfiniment, ce bâillon sur les idéologies, ce retrait de la parole qui susciteront la fracture. Les tranchées se creusent déjà outre-Atlantique et, ici comme ailleurs, l'inflexibilité de cette vieille gauche, campée sur des acquis qu'elle est incapable de remettre en cause, n'engendrera qu'une seule chose, la révolte.

Cette génération qui interdisait d'interdire et qui accable notre époque d'interdictions continuelles, qui ne tolère aucune opposition, qui persécute et qui pourchasse et qui a revêtu des formes d' inquisitions dont elle prétendait nous délivrer, veut désormais nous interdire de questionner les libertés qu'elles nous impose.

Face à cette caste qui s'accroche au pouvoir comme à la vie, qui tremble que ses enfants ne lui réservent le sort qu'elle a fait subir à son propre père, qui fait tout pour les empêcher d'agir, les privant d'une vraie instruction, les gavant de loisirs et de choix inutiles, retardant à tout prix l'accession à la vraie liberté de l'indépendance et de l'épanouissement ultime, la famille, la parentalité, la responsabilité. Essayez donc de faire un enfant en Occident avant 25 ans et comptez les réactions de rejet, de mépris. L'avortement, la récidive dans l'avortement, peuvent aussi être conséquences de cette chape de plomb de la nouvelle moralité bourgeoise, qui consiste à préserver au maximum sa capacité de jouissance égocentrique avant de "ruiner" sa vie dans l'accomplissement de sa fonction génésique.

Or, le magma des générations nouvelles, qui couve sous l'écorce refroidie des idées d'autrui, veut être ce qu'il veut, sans devoir en demander la permission à quiconque et sans devoir en subir le moindre jugement.

Le monde politique de demain sera celui des valeurs, de ces valeurs-là, ou ne sera pas. Tout est en place, ne manquent que les hommes.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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