Julien Benda* invité du PSS?

Stefan Racovitza
Chercheur en sciences humaines, journaliste indép.

M. Sommaruga serait plutôt mélenchonien. D’un moment à l’autre, je me suis suis retrouvé plongé dans mon passé, avec un pied dans celui d’un réfugié politique, ayant fui un régime communiste – celui de la Roumanie de Ceausescu, il y a très longtemps et avec l’autre dans un passé très récent, l’inquiétante et surréaliste campagne électorale pour l’élection présidentielle française.
Les socialistes sont des communistes handicapés par des d’états d’âme. L’extrême gauche n’en a pas.

En rentrant d’un court week-end à la montagne, c’était le dimanche 2 septembre, je suis tombé sur une émission diffusée par la Radio Suisse Romande. Je ne me rappelle plus son titre, ni vraiment le sujet, il y en avait plusieurs, mais seulement les propos de quelques invités, parmi lesquels deux caciques socialistes, candidats à la vice-présidence du Parti Socialiste Suisse, Mme Géraldine Savary et M. Carlo Somaruga (La compétition a donc été gagnée par la première). Si, sans surprise, Mme Savary s’est contentée de soutenir avec modération les principes de son parti, les propos de M. Sommaruga ont pris une tout autre teinte. Ses envolées ont atterri dans ma mémoire, mais, peut-être pour cause de surpopulation, la case étant surchargée, elles prirent illico la couleurs de leurs voisines de tiroir. Peu de temps après, ces paroles quittèrent leur anonymat pour se parer de toute leur « originalité ».

A un certain moment de l’émission, pour introduire une de ses questions, le modérateur a rappelé à ses auditeurs que pour sa modération Mme Savary passait pour une adepte de François Hollande, alors que M. Sommaruga serait plutôt mélenchonien. D’un moment à l’autre, je me suis suis retrouvé plongé dans mon passé, avec un pied dans celui d’un réfugié politique, ayant fui un régime communiste - celui de la Roumanie de Ceausescu, il y a très longtemps et avec l’autre dans un passé très récent, l’inquiétante et surréaliste campagne éléctorale pour l’éléction présidentielle française. J’ai subi le bien nommé socialisme réel depuis l’âge de dix ans jusqu’à plus de quarante et un ans ; je le connais à fond, autant dans ses discours, que dans ses agissements.

Mes vieux frissons de réfugié ont été réactualisés, une fois de plus par, Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Arthaud et les autres candidats et militants de l’extrême gauche française, impliqués dans la campagne, dont les propos faisaient froid dans le dos, le mien, mais aussi dans celui de nombreux réfugiés des pays ex-communistes, que je connais et fréquente depuis très longtemps. Malgré le fait que le Président de la France passe plutôt pour un socialiste modéré, sa haine déclarée envers les « riches » (en en étant lui-même un, mais qui évite le sujet) et le monde de la finance, n’ont fait qu’aggraver mes craintes pour l’avenir de la France et conjointement pour l’Europe, mais aussi pour la Suisse, pays dont l’esprit d’indépendence et la dignité nationale se sont particulièrement rabougris ses dernières années. M. Hollande est un socialiste peut-être modéré, mais pas un vrai social-démocrate, Gerhard Schröder en était un.
Jusqu’à la chute du communisme, en Occident les idées de gauche étaient monnaie courante, particulièrement en France, pays de Louis Aragon, Elsa Triolet, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Philippe Sollers et les autres « idiots utiles », grandement majoritaires dans l’après-guerre y compris Julien Benda, dont l’Occident avait le monopole, sans oublier Noam Chomsky, Edward Saïd et les autres, innombrables, pourfendeurs américains du capitalisme et de l’Amérique impérialiste et d’autres européens, comme Jean Ziegler, très nombreux eux-aussi. Ces idées ont perduré et perdureront encore longtemps. Mais voilà, 23 ans à peine après la chute de l’avenir radieux et après la « démocratisation » de l’hallucinant "bilan globalement négatif" du communisme ayant entraîné d’immenses dégâts humains, mentaux, environnementaux, économiques, sociaux et autres, la leçon semble ne pas avoir servi à grand-chose.

Parmi les pires moments que j’ai passés dernièrement, la campagne pour l’éléction présidentielle française du début de cette année 2012 porte le pompon. En 35 ans de vie en Suisse, je n’ai jamais vu un tel déferlement de haine de classe, de marxisme primaire, de militantisme d’extrême gauche digne des vitrines d'horreur d’un musée de cire, de sectarisme, de mensonges, de mauvaise foi et d’aveuglement. Ces personnages, les courants politiques qu’ils représentent, leur buts et principes ne sont que du déjà-vu, mais sûrement pas pour tout le monde. Le capitalisme, éternel ennemi de la gauche socialiste ou de l’extrême-gauche, est resté le même, quoique bien maquillé linguistiquement et maladroitement ajusté sémantiquement, mais uniquement au niveau des termes utilisés. Le camaïeu des dernièrs travestis dont a été affublé le capitalisme est égal à la multitude des familles de l’extrême gauche qui foisonnent à ce jour.
Bien que ces objectifs n’ont pas quitté le portefeuille de l’extrême gauche, on ne dit plus communisme, lutte des classes, déportations, expropriations forcées des moyens de production, révolution violente, dictature du prolétariat, Goulag et autres. On dit « dépassement » du capitalisme par une méthode,la « révolution citoyenne », respectueuse des institutions démocratiques ». Peut-on oublier que tous les pays communistes se réclamaient de la plus pure des démocraties ? D’autres éléments de l’actuelle novlangue viennent en aide à la surenchère sémantique : « renversement politique » (...) en faveur de l'implication citoyenne à tous les niveaux de la vie sociale, dans la protestation comme dans l'action gouvernementale », « un juste partage des richesses », une réhabilitation de la « souveraineté populaire » qualifiée d'exigence républicaine, le «dépassement » du système capitaliste et celui du modèle productiviste.

Mais comment « changer » (dépasser) une société honnie, unique objet des ressentiments de la gauche de tous les temps ? Comment liquider les voraces patrons qui exploitent les travailleurs ? Comment acquérir tout le pouvoir pour arriver à ses fins ? Par quels moyens, une fois celui-ci empoché, la société changera-t-elle sans heurts et violences, sans expropriations forcées et surtout sans victimes directes, sur fond d’une inévitable faillite économique ? Dans une des émissions TV de la campagne présidentielle française de 2012, il a été demandé à Nathalie Arthaud, comment, une fois arrivée au pouvoir, son gouvernement traitera les patrons récalcitrants, ceux qui refuseront de se soumettre aux règles et lois économiques du nouveau régime. Elle a admis sans trop hésiter qu’en dernier recours les grands moyens ne seront pas exclus. La gauche socialiste ne peut plus prétendre instaurer le socialisme, celui-ci ayant abouti à ce que l’on sait.
Les socialistes sont des communistes handicapés par des d’états d’âme. L’extrême gauche n’en a pas. Son but n'a pas changé et ne changera jamais, ils veulent la victoire totale dans la lutte finale. L’avènement du socialisme réel n’est donc que partie remise. A n’importe quel prix. Camarades, le Grand Soir arrivera inévitablement, soyons donc prêts.
Qu’un Jean-Luc Mélenchon, qui vit avec 30.000 euros par mois, qu’une Nathalie Arthaud, enseignante bien payée, ou un Philippe Poutou, ouvrier et syndicaliste, puissent (re)venir à de tels propos, à de telles idées jurassiques, peut incommoder ou même déranger par-ci, par-là. Après tout, ils sont peut-être extrémistes, mais minoritaires. Mais que François Hollande, leur allié objectif, renchérisse en introduisant la lutte des classes et la haine du monde financier dans la politique du Gouvernement, voici une réalité difficile à accepter pour un pays comme la France, leader éuropéen. Cela est plus qu’inquiétant.
Ainsi, que Mme Savary soit une adepte de François Hollande, est pour la Suisse une idée moins scabreuse que celles de l’extrême gauche hexagonale. Mais qu’un autre candidat à la vice-présidence du PSS, M. Carlo Sommaruga se déclare sans complexes mélenchonien est carrément dangereux. Par la suite, je n’ai pas entendu un seul politicien ou journaliste de ce pays se demander à quoi rime la déclaration du candidat Sommaruga.

Comment interpréter ces propos concernant le changement de société prôné par l’extrême gauche la plus bête du monde, dont les modèles sont, parmi d’autres, Hugo Chavez et Fidel Castro, deux grands démocrates comme on le sait ? M. Sommaruga a admis être un adepte de Jean-Luc Mélenchon en récitant une phrase qui dit tout sans rien dire : (...) Je suis comme M. Mélenchon pour le changement de la société, (...) J’ai cité de mémoire. C’est ce qu’a dit Marx et ont fait Lénine, Staline et tous les autres Mao, Pol Pot, Castro.
La lutte des classes et la haine du monde financier, idées qu’animent également François Hollande, sont en train d’être appliquées. Sauf miracle, elles vont rapidement faire atterir la France à côté de l’Espagne, puis de la Grèce. C’est Raymond Aron qui disait qu’il est impossible de tirer impunément sur les mêmes ficelles trop longtemps. Comme ces « changements de société » ne suffiront pas, la France pourra penser à ceux proposés par M. Mélenchon ou Mme Arthaud. Même à travers de nouvelles élections...
Et pour la Suisse, quels changements de société prévoyez-vous M. Sommaruga ?

*Julien Benda est l’auteur (français) d’un célébre pamphlet philosophique sur le rôle de l’intellectuel, intitulé La trahison des clercs, publié en 1927. Il les accuse de se tromper chaque fois qu’ils sortent de leur domaine de vocation, pour s’engager, dans un parti politique, par exemple. Le point fort de l’histoire est que Benda avait raison: vers la fin de sa vie, il a fini lui–même par s’inscrire au Parti Communiste.
** Equivalent chinois du Goulag, actuellement en pleine activité.

Stefan Racovitza

Un commentaire

  1. Posté par Gilles Vuilliomenet le

    Carlo Sommaruga? N’est-ce pas cet haineux qui crache sur le capitalisme et qui confond système et idéologie?

    http://www.carlosommaruga.ch/spip.php?article444

    Vous remarquerez que cette page diffère nettement de sa page actuelle! Comme quoi, on peut essayer d’effacer ses propos, il reste des traces! 🙂

    Et c’est avocat! Les socialistes sont vraiment bien lottis avec des incultes pareils qui veulent prendre en main la destinée des Suisses!

    Je pense que Sommaruga est un crypto-communiste, si ce n’est un crypto-stalinien qui n’ose pas qualifier son idéologie.

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