Pompage-turbinage: une folle chimère

Bruno Pellaud
Bruno Pellaud
Physicien
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Lisser les fluctuations météorologiques des nouvelles énergies renouvelables avec du pompage-turbinage, c’est une illusion mensongère.

Les premières conséquences de la nouvelle politique énergétique du Conseil fédéral se font déjà sentir. Alpiq, la compagnie d'électricité suprarégionale de Suisse occidentale, souhaite, semble-t-il, abandonner la majorité – et de ce fait la direction – du grand projet de pompage-turbinage de Nant de Drance dans la commune de Finhaut en Valais. Les autres actionnaires, les CFF et les Forces Motrices Valaisannes, vont devoir élargir leur participation (ou trouver d'autres partenaires) à ce projet de quelque 1,8 milliards de francs.

Pourquoi cette hésitation d'Alpiq, alors que Madame Leuthard proclame aux quatre vents la complémentarité idéale entre les nouvelles énergies renouvelables et le pompage-turbinage, ce dernier sensé compenser, lisser en toute circonstance les fluctuations des précédentes?

Alpiq fait ses comptes. Un calcul élémentaire lui donne raison de vouloir réduire sa voilure, un calcul qui saute aux yeux lorsqu'on ne se laisse pas éblouir par les clins d'œil de notre ministre de l'énergie. Le pompage-turbinage n'a de sens économique que si le pompage vers le réservoir supérieur bénéficie d'un courant bon marché. C'est le cas avec le nucléaire de nuit à un coût de 5 centimes par kilowattheure. Avec un quart de perte (le courant de pompage), l'eau de turbinage doit pouvoir se vendre à au moins 6,7 cts par kWh pour justifier l'opération, une opération rentable vers midi sur le marché européen pour autant que par bon temps les Allemands n'écoulent pas sur le marché ce jour-là leurs renouvelables massivement subventionnés! A long terme, on nous annonce avec un optimisme béat que le pompage-turbinage se fera avec des énergies renouvelables, et non plus avec du nucléaire. Le nouveau renouvelable, c'est du courant à au moins 20 cts par kWh pour le pompage. Qui sera, peu après, le preneur du courant de turbinage coûtant 27 cts! C'est évident: tant que le prix de l'électricité n'aura pas quadruplé, le pompage-turbinage n'a plus aucun sens économique dans un cycle strictement quotidien face à la présence d'énergies subventionnées et prioritaires qui ont l'avantage d'une disponibilité diurne au moment-même ou la demande journalière est maximale.  C'est-là la raison de la perte d'intérêt des compagnies d'électricité pour le pompage-turbinage (et également pour les centrales à gaz).

On rétorquera que dans le "nouvel ordre énergétique", la complémentarité entre renouvelables et pompage-turbinage se déroulera sur une durée dépassant la journée, peut-être sur une période de une ou deux semaines privées de soleil et de vent. Autre calcul simple, oui, puisque la chute d'un mètre-cube d'eau sur une hauteur d'un mètre produit 2,2 wattheures. Pour stocker une "petite réserve" d'une semaine de consommation suisse (près d'un milliard de kWh), un volume d'accumulation d'un milliard de mètres-cubes d'eau serait nécessaire sur les hauteurs lorsqu'associé à une chute de455 mètre, soit deux lacs d'accumulation de la taille de celui de la Grande-Dixence (400 millions de mètres-cubes), le plus grand de Suisse. Ou en alternative, une vingtaine de lacs de 100 millions de mètres-cubes sur le Plateau pour une chute deux fois plus petite. Pour comparaison, Nant de Drance, c'est un réservoir de 14 millions de mètres-cubes pour quelque300 mètresde chute, une goutte d'eau sans importance face aux énormes fluctuations des renouvelables.

Lisser les fluctuations météorologiques des énergies renouvelables avec du pompage-turbinage, c'est une illusion mensongère, car les grands volumes d'eau nécessaires deviennent incompatibles avec les contraintes de la protection des paysages. Les Allemands, ces pionniers du virage énergétique, le font avec une vingtaine de centrales au charbon sale. Petit complément helvétique: pas de lissage possible avec l'hydraulique, car ce barrage de la Grande-Dixence vidé en quelques semaines, il faudra six mois pour le remplir à nouveau avec pluie et glace! Est-ce que le Conseil fédéral saura reconnaître ces vérités fondamentales sur le pompage-turbinage dans son prochain message énergétique? Dans une étude interne, le bureau d'études Prognos l'a averti de cette chausse-trape  il y a plusieurs mois déjà. Que de rêves ont été détruits par de banals calculs d'ingénieurs!

 

 

 

8 commentaires

  1. Posté par Raphael Peiry le

    PS2 : En fait, sera possible de le faire progessivement, une centrale après l’autre en anticipant à peine les besoins et donc sans risques disproportionnés quant à l’évolution des prix. Quelle chance …

    Raphael Peiry

  2. Posté par Raphael Peiry le

    PS : Il semblerait que la polémique date déjà un peu et que les projets avancent tout en butant sur des choix entre différentes options.

    Les réflexions de cet article me semblent paradoxalement éclairantes, pour montrer que dans une optique d’avenir, il serait éronné de construire des centales de forte puissance sur des petits résevoirs et que le développement adéquat est de pourvoir chaque instalation hydroélectrique d’un instalation de pompage .

    Donc, merci tout de meme, Monsieur le physicien.

    Raphael Peiry

  3. Posté par Raphael Peiry le

    Il est un peu facile de traiter ceux qui croient un peu en l’avenir de doux reveurs parcqu’on est capable d’aligner quelques calculs à partir des données actuelles.

    Il me semble qu’avec la France à coté, il est possible de faires quelques investissements qui dépendent actuellement du nucléaire sans trahir totalement la cause des énergies renouvelables.

    Dans une vision à long terme, je ne vois pas quel problème cela poserait pour le paysage, de pomper de l’eau depuis des bassins en bordure du Rhone vers la Grand Dixance et les autres lacs d’altitude. Il s’agirait sans doute d’un très gros projet, mais dans la situation d’une politique énergétique européenne intégrée, basée sur les énergies renouvelables, cela serait totalement cohérant du point de vue économique et financier.

    Il me semble que les calculs ne sont difficiles à faire que parce que le chemin entre les deux mondes sera sans doute un peu sinueux. Ce n’est d’ailleurs souvent qu’à cause de ces méandres que des calculs d’ingénieurs peuvent servir à obscucir la vue et à bloquer un mouvement qui devrait découler du bon sens.

    Il y aura sans doute des paris très riqués à faire, mais ne jamais s’y lancer me semble le pire des choix que l’on puisse prendre.

    Raphael Peiry

  4. Posté par Jean-Claude Capt le

    L’énergie nucléaire n’est pas vendue à son réel niveau de coûts, nationaux et internationaux, générés par son exploitation globale. Sont existence est conditionnée du début à la fin par une structure industrielle complexe qui représente des coûts de fonctionnements, qui ne peuvent êtres complètement assumés par les consommateurs. (populations qui comprend énormément de chômeurs qui peines à payer leur factures d’électricité) Et cette exploitation engendre des déchets virulents qui ne produisent plus même l’ombre d’un seul kW, mais qui couteront encore, pour au moins 200000 ans, étant à la charge des collectivités publiques. (impôts) En outre les dernières catastrophes Tchernobyl, fukushima et d’autres, ou il à fallut neutraliser de vastes espaces de terrains (communes entières) rendus impropres à la vie humaine, entrainant dédommagements et déplacements de populations entières n’est vraiment pas ce que l’ont pourraient considérer comme des économies, mais des coûts astronomiques, qui auraient pus êtres investis ailleurs, les seuls qui dépendent du nucléaire se sont les militaires pour fabriquer bombes et autres saloperies avec les déchets, et plus il y en aura, plus ont aura de soucis à se faire. Donc des subventionnements publics, soit venus des collectivités vers ces moyens alternatifs propres et fournisseurs d’emplois, sont par conséquents absolument salutaires et donnent aux nations une importante marge d’indépendance économique vis à vis des structures spéculatives capitalistes qui nous vendent les ressources minérales fonctionnelles que l’ont gaspillent en les brulant. D’autre part les automobilistes non pas de soucis à ce faire car se sera les colossales ressources d’Hydrates de méthanes tapies dans les mers, qui le remplacera.

  5. Posté par Jean-François Dupont le

    Coûts externes et déchets: c’est une question d’information.
    Regardez les ccomparaisons de coûts externes publiàés par l’institut Paul Scherrer (l’institut énergie des EPF)
    http://gabe.web.psi.ch/pdfs/Energiespiegel_Nr.9_Avril_2003_fr.pdf
    http://gabe.web.psi.ch/pdfs/Energiespiegel_20_f.pdf
    ou les comparaisons publiées par L’UE
    http://www.externe.info/externe_2006/
    les coûts externes chiffrés du kWh nucléaire sont faibles par rapport aux autres modes de production et faible dans l’absolu: beaucoup moins de 1 ct/kWh.
    Pour les dléchets il faut aussi vous informer: les déchets spéciaux, les déchets toxiques de manière illimitée, sont 100 fois plus importants en masse que les déchets nucléaires. Ils sont la cause de la contamination de 50’000 sites en Suisse, dont 5’000 voient leurs produits toxiques s’échapper par les nappes phréatiques. Voir le site de la Confédération: http://www.bafu.admin.ch/altlasten/index.html?lang=fr
    Par contre le 100 % des déchets nucléaires sont séquestrés, emballés de manière inerte et étanche et sous surveillance: il n’y a pas de contamination en Suisse par des déchets nucléaires. La séparation de la biosphère est totale. Si la rigueur de gestion des déchets nucléaires était appliquée aux déchets spéciaux, ils n’y aurait pas ces 50’000 sites contaminés. On répête sans cesse qu’il n’y a pas de solution pour les déchets radioactifs. En fait c’est faux: la gestion des déchets nucléaires permettrait de résoudre celui de la gestion des déchets spéciaux. Il n’y a pas de Bonfol nucléaire.
    Informez-vous sur la réalité, aprês on peut débattre.

  6. Posté par Bernard Erlicz le

    Pourquoi ne jamais parler du thorium? Nous pourrions envisager de remplacer nos actuelles centrales nucléaires par des centrales au thorium. Celles-ci semblent avoir plein d’avantages: risques minimes, peu de déchets, déchets à « faible » durée de vie, quasi impossibilité de faire des armes nucléaires, possibilité d’INCINERER NOS DECHETS NUCLEAIRES, etc… Je ne suis pas physicien, mais ce serait trop bête, pour une simple question d’idéologie ou de gros sous (notamment subventionnés), de laisser passer l’occasion… Je recommande vivement le livre de M. Jean-Christophe de Mestral intitulé « L’atome vert: Le thorium, un nucléaire pour le développement durable » (http://www.amazon.fr/Latome-vert-thorium-nucl%C3%A9aire-d%C3%A9veloppement/dp/2828912442/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1346838745&sr=1-1). Voici la présentation de l’éditeur:
    « La catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima, au Japon, a mis une pression immense sur les pays producteurs d’énergie nucléaire. Face aux craintes de leurs populations, certains gouvernements ont pris la décision d’arrêter et de démanteler, dans un avenir proche, leurs installations nucléaires existantes, ainsi que d’écarter la filière nucléaire de leur politique énergétique future. Or la disponibilité des énergies fossiles diminue, le solaire et l’éolien ne sont pas encore capables de prendre le relais totalement. Mais au-delà des émotions, on aperçoit d’autres solutions, nucléaires elles aussi, révolutionnaires et pourtant déjà largement testées, et qui permettraient de régler les deux principaux reproches faits aux centrales actuelles : la sécurité et les déchets. Il s’agit d’une idée développée dans les années 50 à 70, puis perfectionnée dans les années 90 : les centrales fonctionnant au thorium et non pas à l’uranium ou au plutonium. Les réacteurs au thorium démontrent des qualités de sécurité intrinsèques exceptionnelles, que ce soit par leur forte capacité autorégulatrice, la facilité des arrêts d’urgence, l’absence de risque d’explosion et de fonte du réacteur. Avec une densité énergétique au kilogramme 200 fois supérieure à celle de l’uranium, nous disposons de réserves mondiales de thorium, réparties sur tous les continents, pour 10 000 ans au moins. La durée de vie des déchets se compte en centaines d’années, et non en centaines de milliers d’années, et leur volume est considérablement inférieur. Les caractéristiques du thorium rendent la fabrication d’une bombe atomique pratiquement inaccessible et, cerise sur le gâteau, les déchets actuels et le plutonium militaire peuvent être incinérés dans le coeur des centrales au thorium. Plusieurs gouvernements s’y intéressent de près. L’Inde et la Chine ont entrepris de développer des centrales au thorium à l’échelle industrielle. Si cette technologie est encore méconnue du grand public, il est cependant indispensable qu’elle soit intégrée au débat. Elle présente trop d’avantages pour être ignorée. Il est indispensable que les politiciens, tout comme les citoyens, aient connaissance de cette technologie. Ce livre présente de manière accessible cette voie prometteuse à de nombreux égards.  »
    Alors? OUVRONS LE DEBAT!

  7. Posté par Blanc Damien le

    J’ai cru comprendre que le nucléaire n’était pas si bon marché.
    J’ai cru comprendre que le problème des énergies renouvelables étaient qu’elles ne pouvaient ni être stockées ni être produites à notre demande.
    En conséquence, plutôt que rien faire de cette énergie qui ne sert à rien car produite lorsqu’on n’a pas besoin d’elle, faisons là monter sur nos alpages pour l’utiliser plus tard.

    Si cette énergie est chère, évidemment si on l’a compare à des énergies qui n’internalisent pas tous les coûts (pollution, guerres, transports, déformations des chaussées, recyclage des installations, déchets nucléaires ).

    Il faut se résoudre à vivre dans un monde avec une énergie chère.

    Enfin pour finir, imaginons que les égyptiens aient eu des centrales nucléaires (??!!!).

    Force est de constater, qu’on serait encore plus ravi d’avoir la pierre de Rosette pour déchiffrer l’écriture desdits égyptiens si, par hypothèse, on avait dû intervenir sur un dépôt nucléaire laissé par nos égyptiens en raison d’une fuite.

    Or, chers amis, pensez que les égyptiens nous ont quitté seulement depuis, sauf erreur, 2 à 4 mille ans.

    Vous n’êtes pas sans savoir que la durée de vie des déchets nucléaires est très nettement supérieure.

    En résumé, il suffit de remettre à nos futurs et lointains enfants une pierre de Rosette pour qu’ils comprennent comment en une à deux générations on a réussi à mettre en danger une multitude de gens pendant une durée astronomique.

    Tout cela, parce que des physiciens n’arrivent pas à élever le débat au-dessus de leur machines à calculer.

    A j’allais oublier, je suis de droite aussi.

  8. Posté par Julien Fonjallaz le

    ENFIN DU BON SENS CONTRE LE DELIRE AMBIANT. LE SUBVENTIONNEMENT DES ENERGIES « VERTES » FAUSSE TOUT.
    BRAVO ET MERCI!
    LES CAPTCH SONT ILLISIBLES!

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